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« …Sans laisser de trace ils ont disparu… » – Albert Batoukaev

Ajouté par on Tuesday, 7 January 2014.    812 views Aucun commentaire
« …Sans laisser de trace ils ont disparu… » – Albert Batoukaev

Une ligne tu seras, dans une liste de noms par milliers,
Toi, qui fus enterré, mais pas inhumé.
Qu’on ne cherche plus, car il n’y a rien à chercher.
Pour qui seule une mère peut encore espérer.
Espérer retrouver son fils chéri
Même invalide, mais en vie.
Elle ne portera pas le deuil, à ses filles l’interdira.
Mais que son âme souffre toujours, chacun le saura.

Dans les prisons, les cachots, elle te cherchera,
Et nuit après nuit, elle pleurera.
Avec un portrait, le long de la prison, elle restera
Et chaque fugitif elle questionnera :
« L’avez-vous vu ? Le connaissez-vous ? Non, il n’a pas combattu …
Parti, mais pas revenu. Six mois qu’il a disparu …
Voyez ces photographies. Le voici de profil, ici il est de face … »
« Non, Madame, je ne me rappelle pas … Nous étions là-bas, une masse … »

Aux mères, il dira « Allez voir au dépôt, plus loin,
Là-bas, dépêchez-vous, il y a un wagon de cadavres plein …
Donnez de l’argent au gardien. La règle est simple pour ceux-là :
Un mort, comme un vivant, tout a un prix ici-bas.
Je suis ici depuis une semaine, elle a duré un siècle, je dirais.
Six mois ? … Il ne supporterait pas, aucun homme ne pourrait…
J’ai cru ne pas survivre, à voir la mort je me suis préparé,
Mais on m’a vite racheté et les dettes il faut payer
À ceux, qui ont prêté l’argent, à ceux qui m’ont trouvé,
Et à ceux, qui chaque soir, au feu m’ont torturé,
Avec une barre de fer, comme un animal, ils m’ont battu.
C’est ainsi qu’handicapé je suis devenu.
C’est une dette sanglante qu’entièrement je règlerai.
Mais même après, dormir en paix je ne pourrai.
J’en suis sorti, mais des milliers sont restés là-bas.
La plupart ne survivront pas, je ne les oublierai pas.
Mais cherchez les vôtres, avec l’aide du Créateur !
Personne ne mourra avant que sonne son heure.

Et la nuit même, graissant la patte au garde, dans le wagon elle entra
Jusqu’au matin elle a cherché, mais son fils elle ne retrouva.
Et le lendemain, elle est le long de la prison avec la photographie :
« Je sais, qu’il est vivant. Mon cœur me le dit… »

Six mois plus tard près de la rivière, dans une vallée
Une grande fosse emplie de morts par des bergers est dégagée.
À leurs vêtements, les reconnaître ils ont essayé.
Nul ne pouvant être identifié, les recouvrir ils ont décidé.

Ensuite, ils ont dit une prière pour ceux qui céans sont étendus,
Ceux, pour qui on écrit, que sans laisser de trace ils ont disparu…

Albert Batoukaev
Traduction : Kissa Gatsaeva

Version originale en russe:

О безвести пропавших

Ты будешь только строчкой из тысячи имен,
Kого похоронили, но кто не погребён.
Kого уже не ищут – ведь некого искать.
И если кто надеется, то это -только мать.
Надеется, разыщется, сынок ее родной,
Пусть даже покалеченный, но все-таки живой.
И траур не наденет, и дочкам запретит,
Но все в округе знают: душа ее болит.

По тюрьмам, да по фильтрам искать тебя начнёт,
А после будет плакать все ночи напролёт.
И будет с фотографией у стен тюрьмы стоять,
И каждому, кто вырвался, вопросы задавать:
“Не видели? Не знаете? Нет, он не воевал.
Ушел и не вернулся. Пол-года, как пропал.
Cмотри, вот фотографии. Вот -в профиль, тут в анфас…”
“Нет , Деца, не припомню… там много было нас…”

А матерям он скажет: “Где дальний перегон,
Туда скорей идите, там с трупами вагон.
Охране дайте денег, у них закон простой:
Тут все имеет цену -и мёртвый, и живой.
Я тут всего неделю, а кажется, что век.
Пол-года? Нет, не выдержит. не сможет человек.
Я думал, что не выживу и начал смерти ждать,
Но выкупили быстро и надо долг отдать:
И тем, кто денег занял, и тем, кто разыскал,
И тем… кто вечерами огнём меня пытал!
Кто бил меня железом, в азарте, словно зверь.
Да так, что инвалидом я сделался теперь.
Я этот долг кровавый сполна им всем верну,
Но даже после этого спокойно не усну.
Я вышел, но остались там тысячи других.
И многие не выживут… я помнить буду их.
А вы своих ищите. Пусть вам поможет Бог.
Никто не умирает быстрей, чем выйдет срок”.
И в туже ночь, дав взятку, она в вагон зашла
И до утра искала, но сына не нашла…
А утром с фотографией у стен тюрьмы стоит:
“Я знаю, что живой он. Мне сердце говорит”.
Еще через пол-года, в овраге у реки
Большую яму с мёртвыми разрыли пастухи…
Пытались по одежде кого-нибудь узнать,
Но так и не узнали. Решили закопать.

Потом прочли молитву, за тех, кто там лежал…
За тех, о ком написано, что без вести пропал…

Альберт Батукаев.

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