Benoit Desjardins : « Ce film est un hymne à la liberté!.. »
« Welcome Yankee », un court métrage sur l’histoire d’une famille tchétchène, a été publié au Québec, Canada en Novembre 2012, par Benoit Desjardins, un jeune et inspirant cinéaste. À ce jour, le film a déjà remporté trois prix en Grèce, en Turquie et aux États-Unis. Notre équipe a réalisé une interview spéciale avec M. Desjardins.
-Qui est Benoit Desjardins?
Benoit Desjardins est à la fois anthropologue et cinéaste. Il vit et travaille à Montréal, sa ville natale. Sa passion pour le cinéma découle directement de sa fascination pour l’être humain. Ses principales pistes de recherche se situent dans l’exploration des perceptions et dans le rapport à l’Autre.
Diplômé de l’Université de Montréal en études cinématographiques il a fondé, en 2006, Les Productions Perceptions. Il a depuis produit et réalisé plusieurs courts métrages, dont Histoire de pêche (2008) et Chewing gomme (2010) avec lesquels il a remporté divers prix tout en participant à de nombreux festivals internationaux. Benoit se consacre présentement à la production d’une trilogie sur le thème de l’immigration, dont le premier volet s’intitule Welcome Yankee et qui raconte l’histoire d’un couple de réfugiés tchétchènes fuyant la guerre.
-Comment décririez-vous votre film?
Benoit Desjardins: Mon film est un hymne à la liberté et à l’égalité des peuples. Chaque peuple sur terre devrait avoir le droit de se définir par voie démocratique. Encore trop de minorités sont soumises au pouvoir d’une majorité, dont le contrôle est souvent le résultat de guerre récente ou lointaine qui rapproche l’homme de l’animal. Il est inconcevable qu’au 21e siècle, l’homme puisse encore obtenir ce qu’il veut par la force. Au nom de qui et de quoi? Nous venons tous au monde sur la terre égaux, du moins nous devrions, car personne ne choisit de l’heure ni de l’endroit de son arrivée. Welcome Yankee est également un film sur le partage des libertés lorsqu’on a la richesse d’être citoyen d’une terre d’accueille.
-Voulez-vous savoir les Tchétchènes avant ce projet?
Benoit Desjardins: Avant d’amorcer ce projet, je ne savais que très peu de choses sur les Tchétchènes et leur histoire. J’avais entendu parler des récentes guerres, mais je n’avais jamais rencontré de Tchétchène. D’un point de vue cinématographique, je trouvais percutant de mettre en scène des réfugiés qui ressemblent physiquement à des Nord américains afin de renforcer l’identification au personnage et d’amener la réflexion sur notre responsabilité en tant que citoyen d’une terre d’accueil. Au-delà de la ressemblance physique (Caucasien), il y en avait également une géographique (territoire nordique), géopolitique (minorité qui évolue au sein d’une majorité dans un pays influent) et historique (avec la quête d’indépendance du Québec). En effet, l’histoire du Québec avec la conquête britannique de la Nouvelle-France en 1759, me faisait penser au conflit tchétchène de la dernière décennie. 250 ans plus tard, le Québec n’est toujours pas indépendant, mais la richesse d’évoluer dans un état démocratique permet la liberté d’y aspirer et d’évoluer malgré tout pacifiquement dans notre langue et notre culture tout en ayant une participation politique active à l’échelle nationale.
-Comment avez-vous décidé de faire un film sur les Tchétchènes?
Benoit Desjardins: Au fil des rencontres et de l’information recueillie, j’ai été touché par la cause tchétchène et j’ai décidé d’ancrer le récit dans un conflit réel. Cependant, je ne voulais pas que cet élément du film soit souligné à gros trait. Je voulais que le film soit un hymne à la liberté et que le message ait une portée universelle pour tous les réfugiés du monde entier et non seulement pour les Tchétchènes.
-Avez-vous reçu quelconque conseiller de Tchétchènes ou etait-il un tchetchene dans votre equipe?
Benoit Desjardins: J’ai amorcé mes recherches en France et mené diverses entrevues auprès de réfugiés tchétchènes qui ont accepté de me confier leur histoire. J’ai recueilli suffisamment d’information pour écrire un long métrage. Cependant, comme jeune cinéaste je ne pouvais pas m‘attaquer à un tel projet. De plus, le financement pour la production du court métrage était déjà amorcé.
Une fois à Montréal, j’ai fait la rencontre de Birlyant Ramzaeva et de ses deux filles en exil. Cette rencontre fut déterminante à bien des égards. Birlyant et Aset ont été très impliquées dans les différentes étapes de production et ce, jusque dans les moindres détails. Nous avons retravaillé le scénario une fois de plus. Elles ont procédé à la traduction des dialogues du français au tchétchène. Elles ont par la suite travaillé étroitement avec les comédiens Noémie Godin-Vigneau et Danny Gilmore à l’apprentissage du tchétchène, afin que leur maitrise des dialogues soit impeccable. Un mois avant le tournage nous avons commencé des séances d’entrainement. Plusieurs sons et tonalités de la langue tchétchène étant complètement absents de la langue française, l’apprentissage de la langue a présenté un défi de taille pour les comédiens. Ainsi, par souci d’authenticité, Aset et Birlyant nous ont accompagné durant tout le tournage et jusqu’en postproduction où nous avons procédé aux dernières corrections de langage. Il était primordial que la prononciation du tchétchène soit parfaite et les comédiens ont été d’une implication totale dans l’atteinte de cet objectif. Aset et Birlyant ont également travaillé étroitement avec la direction artistique et les costumes. Elles nous ont permis de transformer un appartement du centre-ville de Montréal en maison de campagne tchétchène, nous fournissant les tapis et autres éléments décoratifs nécessaires. Dans le souci du détail, les boucles d’oreilles portées par Noémie Godin-Vigneau dans le film ont appartenu à Amant la grand-mère de Birlyant, qui a également inspiré le nom du personnage de Noémie. Et que dire de la musique de Birlyant qui m’a accompagné tout au long de la réalisation et du montage du film, par la profondeur et la justesse de son émotion. Sans cette musique et sans leurs conseils et leur appui, le film ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui.
-On sait que le Yankee definee les Americains, mais votre histoire est a propos un couple tchetchene, pourquoi avez-vous choisi le nom de « Welcome Yankee »?
Benoit Desjardins: D’abord, il y a un lien direct au bonnet que porte Aslan. Dès son arrivée au port, on parle de lui comme étant le Yankee. Or, Aslan vit à des années-lumière du baseball et des Yankees de New York. Le sens derrière cela est qu’on appose souvent très rapidement une étiquette à ceux qu’on ne connaît pas, on porte des préjugés sans connaître, sans savoir, et surtout lorsqu’il s’agit de décrire des immigrants que l’on voit encore trop souvent comme des envahisseurs. La définition du mot yankee dans la chanson de Richard Desjardins qui accompagne le générique de fin du film va d’ailleurs dans ce sens. Selon ce dernier, l’origine du mot yankee serait amérindienne et signifierait « envahisseur ». Les Amérindiens de la Côte-Est américaine l’utilisaient pour désigner les colons anglais qui débarquaient en Amérique. Finalement, il y a un clin d’œil au fait que les logos et les produits de consommation voyagent facilement d’un bout à l’autre de la planète, sans se soucier des frontières, alors que pour les individus c’est une tout autre chose.
-Avez-vous un message pour nos lecteurs?
Benoit Desjardins: Pour suivre Welcome Yankee dans sa tournée mondiale, je vous invite à vous inscrire à la page facebook du film et à consulter le site web : www.welcomeyankee.com. Une diffusion web du film avec sous-titre tchétchène est prévue en 2014.
*L’interview a d’abord été publiée en turc par le magazine tchétchène mensuel « Marsho »
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