Ramzan Kadyrov, fils « adoptif » de Poutine
Pourquoi Vladimir Poutine craint-il Ramzan Kadyrov ? Combien faut-il payer pour être membre de ces unités d’élite de Kadirov ? Pourquoi « Avenue Poutine » à Grozny ne peut-elle être renommée « Avenue de la Victoire » ?
« Nous savons qu’il y avait la famille d’ Eltsine. Nous connaissons les amis de Poutine. À présent, nous savons que Ramzan Kadyrov est fils de la famille Poutine. » Mikhaïl Khodorkovski, la Russie Ouvert
L’Armée de Ramzan
La structure du pouvoir actuel de la « Tchétchénie proKremlin » a commencé à se former en 2002, lors de la deuxième guerre russo-tchétchène. Alors les miliciens tchétchènes ont été engagés : les hommes des frères Iamadaev et du mufti Akhmad Kadyrov. Ainsi, ont été formé les bataillons « Zapad » (700 hommes), « Vostok » (700 hommes), et le service de sécurité présidentielle (plus de 2.000 hommes).
L’ autre partie des forces tchétchène proKremlin est formée à partir d’anciens séparatistes. Les nouveaux pouvoirs tchétchènes, « proKremlin » de Akhmat Kadyrov, ont constitué une armée recrutant les anciens adversaires. Les crimes de guerre des anciens rebelles ont été amnistiés en échange de leur loyauté envers le nouveau pouvoir. Ainsi ont été créé les milices du ministère de l’Intérieur et le service de sécurité de la Présidence tchétchène proMoscou. Ce dernier est devenu la base des principaux bataillons de Ramzan Kadyrov, « Youg » (700 hommes), et « Sever » (600 combattants).
« Aujourd’hui, Ramzan Kadyrov dispose des forces de sécurité les plus efficaces en Russie. » Ksenia Sobtchak, journaliste
L’une des unités les plus influentes du ministère de l’Intérieur tchétchène proKremlin est le « régiment du pétrole » (2400 soldats). Il lui a été confié à la protection de « Tsentroy », village familial de Kadyrov. Les forces de police spéciales « OMON » sont sous le contrôle personnel de Ramzan Kadyrov (300 combattants).
Les effectifs du ministère de l’intérieur tchétchène proKremlin sont en constante augmentation. Selon certaines estimations, ils ont été multipliés par quatre. Par contre, les unités incontrôlées par Kadyrov ont été dissoutes. Ainsi, les bataillons « Zapad » et « Vostok » avec le clan Iamadaïeev ont été démantelés après la guerre en 2008. La 42e division (16.000 hommes) soit la seule unité russe présente en Tchétchénie a été dissoute.
La taille exacte de l’armée, Ramzan Kadyrov est inconnue. Selon diverses sources, elle comporte jusqu’à 80.000 soldats. L’an derrière, 20.000 hommes des forces de sécurité ont juré allégeance éternelle à Ramzan Kadyrov dans le stade de Grozny.
« Poutine considère que les trois grandes réalisations de son règne sont : la pacification du Caucase du Nord, la stabilité politique et économique générale du pays et l’annexion de la Crimée. Trois de ces succès auraient été obtenus grâce à l’aide Kadyrov. » Stanislav Belkovsky, politologue
L’argent de Ramzan
On considère en général que les dotations du budget russe sont source pour le bien-être éternel tchétchène. Il est impossible de dire exactement combien la république caucasienne a reçu au cours de ces 15 dernières années. Les subventions officielles représentent près de 500 milliards de roubles soit 10 milliards d’Euros. Il faut ajouter à cela les fonds que les agences fédérales dépensent directement en Tchétchénie. Mais la corne d’abondance de Kadyrov n’est pas le budget russe.
Un réseau complexe de contribution de la population nourrit Kadyrov et son clan. Ce système, dénommé « Fondation Akhmad Kadyrov », a été créé par le fils Ramzan dés son accession au pouvoir.
Officiellement, c’est la mère de Ramzan, Aïmani Kadyrov, qui dirige cette fondation. Les statuts indiquent : « L’activité du fond est la réalisation de projet social dans la république. En particulier, il favorise la construction de logements, des ponts, des routes, et fournit également une assistance aux personnes en situation difficile ».
Mais, l’argent, pour la reconstruction de la Tchétchénie après-guerre, a été fourni par le budget fédéral russe. La fondation de Kadyrov s’occupe de bien autre chose.
Récemment, elle a offert 16 motos Harley Davidson aux « Loups de nuit », une montre d’une valeur de 100.000 euros au designer Sergei Zverev, une Porsche Cayenne de 250.000 d’euros à la journaliste Yana Rudkovsky, millions d’euros à Diego Maradona pour avoir joué au football avec Kadyrov, un million à l’actrice Hilary Swank, arrivée à Grozny sur un jet privé pour l’anniversaire de Ramzan Kadyrov, deux millions à Mike Tyson pour être venu boxer avec lui. La liste peut être prolongée.
Répondant à la question de savoir qui finance sa fondation, Kadyrov dit : « Allah et des personnes gentilles ». Parfois, il cite des noms. Ce sont surtout des hommes d’affaires tchétchènes. Par exemple, les frères Umar et Hussein Dzhabrailov, Ruslan Baisarov, Mikhail Gutseriev, et d’autres. Mais ces dons ne sont pas la principale source de revenus de la fondation.
Une fois par mois, tous les Tchétchènes versent une cotisation à la fondation Kadyrov. Le taux varie en fonction du statut de chaque Tchétchène. Les fonctionnaires donnent 10 % de leur salaire. Par exemple, si vous êtes instituteur, vous touchez seulement 18.000 roubles des 20.000 qui devraient vous revenir. La différence va directement à la fondation. Les employés des sociétés privées ont moins de chance. Ils sont prélevés d’un tiers. Un laveur de voitures touche 20.000 au lieu de 30.000. Il doit reverser 10.000 aux collecteurs du tribut. Les entrepreneurs sont les plus taxés. Ils sont prélevés de 50%. Refuser signifie tout perdre.
Selon les estimations approximatives, les sommes mensuelles ainsi rachetées varient de 3 à 4 milliards de roubles. Elles sont naturellement non imposables et hors de tout contrôle administratif.
Les victimes de Ramzan
Satsita et Zargan Aydamirova
En 2013, sûres de la station-service de « Geldaga », petit village tchétchène où elles travaillaient et vivaient, deux sœurs et Satsita et Zargan Aydamirova ont disparu le 10 mai au matin. Les portes du bâtiment étaient grandes ouvertes, leurs affaires étaient dispersées et sur les murs il y avait des impacts de balles, sur le sol des flaques de sang.
Les enquêteurs sont arrivés, puis un homme se présentant être « Ranger », surnom de Ali Vakhayev, proche de Kadyrov. Puis le « Ranger » s’est éloigné quelque peu et a parlé longtemps au téléphone. Une passante a entendu ces paroles: « Cela est notre travail, les chefs sont au courant »
Le lendemain, le 11 mai, le directeur de la commission d’enquête a été remplacé. Sergei Bobrov, homme sans rapport avec les forces de sécurité locales, a pris ses nouvelles fonctions. Peu de temps après la disparition des deux femmes, Bobrov est allé personnellement à la station-service pour examiner la scène. Revint également « Ranger » qui a rapporté par téléphone le comportement de l’enquêteur.
Mais l’enquête de Bobrov n’a pas abouti: en novembre 2013, il est parti soudainement en congé et n’est jamais revenu. L’ordonnance de licenciement de Bobrov a été signée personnellement par Vladimir Poutine, Président de la Fédération de Russie. Selon les journalistes et les militants des droits de l’homme, la démission Bobrov par Poutine avait pour cause son enquête concernant l’assassinat de ces deux femmes en Tchétchénie. Bobrov a été licencié par Poutine sur demande personnelle de Ramzan Kadyrov.
Alikhan Akhmedov
En 2007, Alikhan enquêtait sur l’assassinat d’un policier commis dans le district Zavodskoy à Grozny. Ses soupçons sont tombés sur des policiers antiémeutes qui devaient à leur supposée victime 200.000 roubles.
Alikhan, sur demande de Ruslan Alkhanov, ministre de l’Intérieur de Tchétchénie proKremlin a interrogé les suspects. Le lendemain matin, il a reçu un SMS : « Ne te mêle pas de cela si tu veux vivre ». Le soir même, huit policiers antiémeutes ont fait irruption dans le café où dînait Alikhan, ont tiré des coups de feu et le saisissant ils l’ont poussé dans une voiture, se recommandant de l’ordre donné par le commandant des forces antiémeutes de Tchétchénie OMON, Alikhan Tsakaeva.
Akhmedov se réveilla dans les locaux de police, les mains ligotées avec de la corde derrière le dos et un chiffon bourré dans la bouche. Une corde a été passée par-dessus la branche d’un arbre et Alikhan a été pendu par les pieds. Ensuite, les policiers antiémeutes ont commencé à le battre de toutes parts, sur les mains, les pieds, le corps et la tête. Cela a duré environ trois heures. Lorsqu’il perdait connaissance, ils lui versaient un seau d’eau froide. Pendant les sévices, l’un des officiers éteignait ses cigarettes sur son cou.
À la fin de la séance de torture, le commandant des forces antiémeutes, Alikhan Tsakayev et le ministre de l’Intérieur tchétchène proRusse Rouslan Alkhanov sont arrivés. Tsakayev déclara que personne n’a le droit de vexer (de soupçonner de crimes) les policiers antiémeutes, et tous ceux qui oseront se comporter ainsi subiront le même sort.
Rizvan Matsaev
Tôt dans la matinée du 20 janvier, 2014 Rizwan quitte son appartement à Grozny pour aller à la mosquée pour la prière du matin. Dès lors, il a disparu.
Ses parents sont convaincus qu’il a été victime d’un raid des hommes de main des forces de sécurité tchétchènes. Suite aux déclarations de Kadyrov de renforcer la lutte contre les islamistes radicaux en Tchétchénie, les uns après les sautes des jeunes disparaissent. En premier lieu, ceux qui portent la barbe sans moustache et les pantalons retroussés. On pense qu’il s’agit des caractéristiques principales des wahhabites.
La mère de Rizvan, Zura Matsaev est convaincue que les escadrons de la mort de Kadyrov ont fait disparaître son fils. Après son enlèvement, trois de ses amis ont également disparu. À chaque fois, la police les a appelés. Ils sont sortis dans la cour et ont disparu. Aucun n’est revenu.
Deux jeunes hommes ont arrêté avec Rizvan. Ils ont réussi à quitter les sous-sols de la police tchétchène, où ils étaient retenus. Ils ne savent pas si Rizvan Matsaev est vivant.
« S’il y a un Maïdan à Moscou, ce ne sera pas la police russe qui tirera, mais les hommes de Kadirov. Et ils feront cela avec plaisir. » Stanislav Dmitrieskie, journaliste
Mousa Lomaev
Mousa avait 13 ans lors de la première guerre russo-tchétchène. Retranché dans des sous-sols avec sa famille que son père amènera ensuite au Daghestan. Lors de la deuxième guerre russo-tchétchène, il avait 18 ans. Étant partisan de l’islam modéré, il est devenu membre d’une unité militaire d’Itchkérie (Tchétchénie). Il n’a jamais pris part à une bataille, a vécu dans les bois puis est allé en Ingouchie. Il était le seul homme resté vivant de la famille, à l’exception d’un frère handicapé.
En Ingouchie, il vivait dans un wagon abandonné, sans argent et travail. Après la guerre, Mousa s’est marié et est retourné à Grozny. Il a commencé à travailler comme maçon et a étudié à la Faculté de chimie et de biologie.
En 2004, il a été arrêté. Au petit matin, ils ont fait irruption dans la maison et l’ont amené dans les locaux de la milice du district Leninski. Battu plusieurs jours, il a été accusé d’acte terroriste. Au total, il encourt jusqu’à 20 ans. Mousa a refusé de signer des aveux. Puis il a été emmené dans une base et torturé plusieurs heures par jour, tous les jours pendant quatre mois d’affilée. Ensuite, il a été amené a ORB-2, le plus terrible centre de torture en Tchétchénie. « Au poste de police si tu as été battu, étranglé à perdre conscience, inconscient, asphyxié avec un masque à gaz, ici on peut t’emmener ta femme et la violer devant tes yeux, ou battre ta mère, ton père, t’insérez du courant électrique dans l’anus au centre de torture ‘ORB-2’ ont a coupé les testicules à un Tchétchène. S’en plaignant lors du procès, le juge lui a dit : ‘Je ne crois pas, montrez-moi!’. Il est plus facile de mourir que de retirer son pantalon en public. Il a été condamné à 18 ans. »
Mousa a été acquitté. Il explique cela par le fait que ses parents ont payé le juge 50.000 dollars. Une fois libre, Mousa a décidé de quitter la Tchétchénie. Il a obtenu avec son épouse d’aller en Biélorussie, puis en Pologne dans un camp de réfugiés politiques, puis en Finlande, où ils vivent désormais.
Source: La Russie Ouvert
Views: 2436
Tweet
Laissez votre réponse!