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Akhmadova et autres – Askharova – Bersounkaieva – Iliassova et autres – Mousikhanova et autres – Taguirova et autres – Gandaloieva – Oumaieva c. Russie

Ajouté par on Sunday, 6 September 2009.    680 views Aucun commentaire
Akhmadova et autres – Askharova – Bersounkaieva – Iliassova et autres – Mousikhanova et autres – Taguirova et autres – Gandaloieva – Oumaieva c. Russie

Le cas de la CEDH du Akhmadova et autres – Askharova – Bersounkaieva – Iliassova et autres – Mousikhanova et autres – Taguirova et autres – Gandaloieva – Oumaieva c. Russie (requête no. 3026/03, 13566/02, 27233/03, 1895/04, 27243/03, 20580/04, 14800/04, 1200/03).


.

COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

883

4.12.2008

Communiqué du Greffier

Arrêts de chambre concernant

Akhmadova et autres c. Russie (n° 3026/03)

Askharova c. Russie (n° 13566/02)

Bersounkaïeva c. Russie (n° 27233/03)

Iliassova et autres c. Russie (n° 1895/04)

Mousikhanova et autres c. Russie (n° 27243/03)

Taguirova et autres c. Russie (n° 20580/04)

Gandaloïeva c. Russie (n° 14800/04)

Oumaïeva c. Russie (n° 1200/03)

Les requérants dans la première affaire sont quatre ressortissants russes : Madina Bilalovna Akhmadova, née en 1954, Magomad Moussaïevitch Akhmadov, né en 1979, Kazbek Moussaïevitch Akhmadov, né en 1982, et Tourpal Moussaïevitch Akhmadov, né en 1984. Ils habitent à Grozny (République tchétchène). Ils sont respectivement la femme et les enfants de Moussa Maoussourovitch Akhmadov, qui n’a pas été revu depuis son arrestation à un barrage militaire le 6 mars 2002.

La requérante dans la deuxième affaire est Larissa Askharova, une ressortissante russe née en 1964 et habitant dans le village de Serjen-Yourte (République tchétchène). Elle est sans nouvelles de son mari, Charani Askharov, né en 1956, depuis que des hommes armés et masqués en tenue de camouflage se sont emparés de lui à son domicile le 18 mai 2001.

La requérante dans la troisième affaire est Raïssa Chamaïevna Bersounkaïeva, une ressortissante russe née en 1954 et habitant à Ourous-Martan (République tchétchène). Elle est sans nouvelles de son fils, Artour Bersounkaïev, né en 1979, depuis que des hommes armés et masqués en tenue de camouflage se sont emparés de lui à son domicile familial le 13 juin 2001.

Les requérants dans la quatrième affaire sont quatre ressortissants russes : Mingui Khalidovna Iliassova, née en 1952, Ayoub Aboubakarovitch Iliassov, né en 1973, Markha Aboubakarovna Iliassova, née en 1975, et Maret Aboubakarovna Iliassova, née en 1978. Ils habitent à Mesker-Yourte (République tchétchène). Ils sont respectivement la mère, le frère et les sœurs d’Adam Aboubakarovitch Iliassov, né en 1983, qui n’a pas été revu depuis que des hommes armés, en uniforme et masqués se sont emparés de lui à son domicile familial le 15 novembre 2002.

Les requérants dans la cinquième affaire sont 11 ressortissants russes : Yakhita Ibrahimovna Moussikhanova, née en 1951, Vakha Idissovitch Moussikhanov, né en 1949, Louiza Iznorovna Oumicheva (Mousikhanova), née en 1975, Markha Vakhidovna Mousikhanova, née en 1995, Seda Vakhidovna Mousikhanova, née en 1997, Nokha Vakhidovitch Mousikhanov, né en 2001, Naïb Vakhidovitch Mousikhanov, né en 2002, Assiyat Idissovna Mousikhanovna, née en 1953, Valid Vakhaïevitch Mousikhanov, né en 1980, Roman Vakhaïevitch Mousikhanov, né en 1983, et Timour Vakhaïevitch Mousikhanov, né en 1986. Ils habitent à Ourous-Martan (République tchétchène). Ils sont respectivement les parents, la femme, les enfants, les frères et la tante de Vakhid Mousikhanov, né en 1976, qui n’a pas été revu depuis que des hommes armés et masqués en tenue de camouflage se sont emparés de lui à son domicile familial le 9 novembre 2002.

Les requérants dans la sixième affaire sont sept ressortissants russes : Zaïnap Jajaïevna Taguirova, née en 1950, Taous Daoudovitch Taguirov, né en 1950, Moussa Taoussovitch Taguirov, né en 1982, Zarema Abdoullaïevna Taguirova, née en 1983, Madina Taoussovna Taguirova, née en 1983, Milana Taoussovna Taguirova, née en 1981, et Ratkha Taoussovna Taguirova, née en 1972. Ils habitent à Ourous-Martan (République tchétchène). Ils sont respectivement les parents, la femme, le frère et les sœurs de Movsar Taoussovitch Taguirov, né en 1978, qui n’a pas été revu depuis que des hommes armés et masqués en tenue de camouflage se sont emparés de lui à son domicile familial le 7 février 2003.

Invoquant notamment les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 5 (droit à la liberté et à la sûreté) et 13 (droit à un recours efficace), les requérants alléguaient tous que leurs proches parents avaient disparu après s’être trouvés entre les mains de militaires russes et que les autorités nationales n’avaient pas mené d’enquête effective sur leurs allégations. Mis à part dans les affaires Iliassova et autres et Taguirova et autres, les requérants invoquaient également l’article 38 § 1 a) (obligation de fournir toutes facilités nécessaires pour l’examen de l’affaire

Dans les affaires Askharova, Bersounkaïeva, Iliassova et autres et Mousikhanova et autres, la Cour considère que les requérants ont présenté un récit cohérent et convaincant de l’enlèvement de leurs proches parents. Les requérants, qui ont pour la plupart assisté aux événements, ainsi que d’autres témoins oculaires dont des membres de la famille et des voisins, ont tous déclaré que les auteurs des enlèvements s’étaient comporté comme lors d’une opération de sécurité et parlaient russe sans accent. Dans la plupart des cas, les militaires avaient utilisé des véhicules de l’armée auxquels des groupes paramilitaires n’auraient pu avoir accès. Dans ces quatre affaires, la Cour considère que le fait qu’un groupe important d’hommes armés en uniforme équipés de véhicules blindés ait pu se déplacer librement pendant les heures de couvre-feu et arrêter des gens chez eux vient étayer fortement l’allégation des requérants selon laquelle ces hommes étaient des agents de l’Etat.

La Cour juge que ces éléments, en particulier dans les quatre affaires précitées, corroborent solidement l’allégation selon laquelle les proches parents des requérants ont été arrêtés par des militaires russes. Tirant des conclusions de ce que le gouvernement russe n’a pas fourni les documents spécifiquement demandés par la Cour et auxquels ils était le seul à avoir accès et de ce que celui-ci n’a fourni aucune autre explication plausible des événements en question, la Cour considère que les proches parents des requérants ont été arrêtés par des militaires russes durant des opération de sécurité.

En l’affaire Akhmadova et autres, la Cour juge établi, en se fondant sur les déclarations de témoins oculaires et les documents officiels figurant au dossier (notamment des lettres des autorités de poursuite militaires), que Moussa Akhmadov a été arrêté par un groupe de militaires à un barrage routier militaire. M. Akhmadov a été remis entre les mains des militaires stationnés au quartier général du régiment, qui l’ont ensuite transféré au service fédéral de sécurité basé dans le même camp.

Les requérants sont sans nouvelle fiable des cinq hommes depuis leur disparition et le Gouvernement russe n’a fourni aucune explication supplémentaire. Dans le cadre du conflit en Tchétchénie, lorsqu’une personne a été arrêtée par des militaires non identifiés sans que sa détention soit par la suite reconnue, on peut considérer que sa vie est en danger. L’absence des proches parents des requérants ainsi que de toute nouvelle d’eux pendant plus de six à sept ans corrobore cette hypothèse. C’est pourquoi la Cour considère qu’il y a lieu de présumer que les cinq hommes ont trouvé la mort à la suite de leur détention non reconnue aux mains de militaires russes. Dans les affaires Akhmadova et autres, Askharova, et Iliassova et autres, la Cour, notant que les autorités n’ont pas justifié le recours à la force meurtrière par leurs agents, conclut dès lors à la violation de l’article 2 dans le chef des trois membres de la famille des requérants. Dans les affaires Bersounkaïeva et Mousikhanova et autres, la Cour observe que le Gouvernement n’a pas fourni la moindre explication plausible et conclut dès lors que la Russie est responsable du décès des deux proches parents des requérants et qu’il y a ainsi eu violation de l’article 2.

En revanche, dans l’affaire Taguirova et autres, la Cour note qu’à l’exception de l’une d’elles, toutes les dépositions de témoins soumises par les requérants sont anonymes. De plus, les hommes armés qui ont enlevé le parent des requérants portaient des uniformes sans insigne reconnaissable. Ils seraient arrivés à pied et aucun véhicule militaire n’aurait été vu dans les environs. De fait, le parent des requérants, futur officier de la force d’intervention spéciale de la République tchétchène, aurait pu être la cible de groupes armés illégaux combattant les forces fédérales dans cette République, ainsi que le Gouvernement l’a suggéré. La Cour constate donc que les requérants n’ont pas fourni de preuves convaincantes à l’appui de leur allégation selon laquelle des militaires russes ont participé à l’enlèvement de leur parent. Il n’a pas non plus été établi « au-delà de tout doute raisonnable » que Movsar Taguirov a été tué par des agents de l’Etat. Dans ces conditions, la Cour conclut à la non-violation de l’article 2.

Dans ces six affaires, la Cour dit en outre qu’il y a eu violation de l’article 2 à raison de l’absence d’enquête pénale effective de la part des autorités russes sur les circonstances dans lesquelles les proches parents des requérants ont disparu.

En outre, à l’exception des requérants dans l’affaire Taguirova et autres et de huit des requérants dans l’affaire Mousikhanova et autres, la Cour considère que les intéressés ont subi et continuent de subir détresse et angoisse à cause de la disparition de leurs proches et de l’impossibilité où ils se trouvent de savoir ce qu’il est advenu d’eux. La façon dont leurs griefs ont été traités par les autorités doit passer pour constituer un traitement inhumain contraire à l’article 3. Cependant, la Cour juge qu’il n’a pas été établi de quelle manière Charani Askharov et Artour Bersounkaïev avaient trouvé la mort ni s’ils avaient subi des mauvais traitements, et conclut dès lors à la non-violation de l’article 3 dans le chef de ces deux hommes.

La Cour estime que les proches parents des requérants, dans les cinq premières affaires, ont fait l’objet d’une détention non reconnue sans bénéficier d’aucune des garanties prévues à l’article 5, ce qui constitue une violation particulièrement grave du droit à la liberté et à la sûreté consacré par cette disposition.

La Cour conclut aussi dans les cinq premières affaires à la violation de l’article 13 pour ce qui est de l’allégation de violation de l’article 2. Dans l’affaire Iliassova et autres, elle dit en outre qu’il y a eu violation de l’article 13 pour ce qui est de l’allégation de violation de l’article 3. En revanche, elle conclut à la non-violation de l’article 13 pour ce qui est de l’allégation de violation de l’article 3 s’agissant des proches parents des requérants dans les affaires Askharova et Bersounkaïeva, et à la non-violation de cette disposition s’agissant de huit des requérants dans l’affaire Mousikhanova et autres.

Enfin, la Cour dit à l’unanimité que, dans les affaires Akhmadova et autres, Askharova, Bersounkaïeva et Mousikhanova et autres, il y a eu manquement aux exigences de l’article 38 § 1 a) en ce que le Gouvernement a refusé de soumettre les documents demandés par la Cour.

Dans l’affaire Akhmadova et autres, la Cour octroie 3 101 EUR conjointement à la femme et au plus jeune fils de Moussa Akhmadov pour préjudice matériel, 35 000 EUR conjointement aux requérants pour préjudice moral et 8 150 EUR pour frais et dépens.

Dans l’affaire Askharova, la Cour alloue à la femme de Charani Askharov 6 440 EUR pour dommage matériel, 35 000 EUR pour dommage moral et 6 150 EUR pour frais et dépens.

Dans l’affaire Bersounkaïeva, la Cour alloue à la mère d’Artour Bersounkaïev 35 000 EUR pour préjudice moral et 4 700 EUR pour frais et dépens.

Dans l’affaire Iliassova et autres, la Cour alloue à la mère d’Adam Iliassov 4 000 EUR pour dommage matériel, 35 000 EUR conjointement aux requérants pour préjudice moral et 6 000 EUR pour frais et dépens.

Dans l’affaire Mousikhanova et autres, la Cour alloue 15 000 EUR conjointement à la femme et aux enfants de Vakhid Mousikhanov pour préjudice matériel. Au titre du préjudice moral, elle octroie 15 000 EUR conjointement à ses parents, 20 000 EUR conjointement à sa femme et ses quatre enfants, et 1 000 EUR chacun à sa tante et à ses frères. Enfin, elle alloue aux requérants 7 150 EUR pour frais et dépens.

Dans l’affaire Taguirova et autres, la Cour alloue 3 000 EUR conjointement aux parents de Movsar Taguirov, 3 000 EUR à sa femme et 850 EUR chacun à ses frères et sœurs pour préjudice moral, ainsi que 3 650 EUR aux requérants pour frais et dépens.

Gandaloïeva c. Russie (n° 14800/04)

La requérante, Liouba Gandaloïeva, est une ressortissante russe née en 1942 et habitant à Achkhoï-Martin (République tchétchène).

Elle alléguait que son mari, Alaoudine Ayoubovitch Gandaloïev, né en 1938, avait été tué par des militaires russes le 17 septembre 2003 dans les bois où il travaillait comme forestier. Son fils, Emir Gandaloïev, qui l’avait conduit sur son lieu de travail ce jour-là, survécut à l’attaque et ramena le corps de son père à la police tchétchène. Le certificat de décès indiquait que le mari de la requérante était décédé des suites de blessures par balles à la tête et au corps. Dans les jours qui suivirent l’incident, une annonce à la radio et un article de journal indiquèrent que les forces fédérales avaient tué deux « combattants rebelles », l’un d’eux étant Alaoudine Gandaloïev. La requérante alléguait aussi que les autorités n’avaient pas mené d’enquête effective sur l’incident. Elle invoquait notamment les articles 2 (droit à la vie) et 13 (droit à un recours effectif).

La Cour observe que l’allégation de la requérante est corroborée par la déposition de son fils, qui a été témoin des faits, et par les comptes rendus de l’incident dans les médias. De fait, une décision du tribunal de district d’Achkhoï-Martin datée du 24 novembre 2004 considérait même que l’enquête avait permis de rassembler suffisamment d’informations pour conclure que des militaires étaient impliqués dans le meurtre. De plus, il y avait une divergence entre la suggestion du Gouvernement selon laquelle des groupes armés illégaux avaient pu être impliqués dans le meurtre et les conclusions des enquêteurs indiquant que des militaires avaient participé au crime. La Cour considère que ces éléments en particulier corroborent solidement l’allégation selon laquelle Alaoudine Gandaloïev a été tué par des militaires russes. Tirant des conclusions de ce que le Gouvernement russe n’a pas fourni les documents spécifiquement demandés par la Cour et auxquels ils était le seul à avoir accès et de ce que celui-ci n’a fourni aucune autre explication plausible des événements en question, la Cour considère que le mari de la requérante a été tué par des militaires russes pendant une opération de sécurité non reconnue. En l’absence de justification de la part du Gouvernement, la Cour conclut à la violation de l’article 2 à raison du meurtre du mari de la requérante.

La Cour constate de plus que, en dépit des nombreuses mesures d’enquête prises par le parquet inter-district, comme un examen des lieux du crime et du corps, des expertises balistiques et l’interrogatoire d’Emir Gandaloïev et d’employés des services forestiers après que l’affaire eut été transférée au parquet militaire, l’enquête qui s’en est suivie était loin d’être satisfaisante. En particulier, les militaires qui auraient ouvert le feu sur Alaoudine Gandaloïev n’ont jamais été ni identifiés ni interrogés. Bien que la requérante se soit vu reconnaître la qualité de victime dans le cadre de la procédure, elle n’a été informée que des décisions de suspendre et rouvrir la procédure et non de sa progression. Partant, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 2 à raison du manquement des autorités russes à mener une enquête effective sur les circonstances dans lesquelles le mari de la requérante a trouvé la mort.

La Cour conclut aussi à l’unanimité à la violation de l’article 13 combiné avec l’article 2.

Elle alloue à Mme Gandaloïeva 35 000 EUR pour préjudice moral et 2 650 EUR pour frais et dépens.

Oumaïeva c. Russie (n° 1200/03)

La requérante, Lipatou Makhmoudovna Oumaïeva, est une ressortissante russe née en 1959 et habitant à Grozny. Elle est atteinte d’une invalidité de niveau 3.

En octobre 1999, les hostilités reprirent entre les forces russes et des groupes armés tchétchènes. Grozny fut fortement bombardée par l’aviation et l’artillerie. En l’espèce, la requérante dit avoir été attaquée le 23 janvier 2000 avec un groupe d’autres civils qui essayaient de fuir les combats dans ce qui, selon ce qu’on leur avait dit, constituait un couloir humanitaire. Elle eut plusieurs blessures par balles et par éclats d’obus et continue de souffrir des séquelles de ces blessures et marche avec difficulté. Elle alléguait avoir été blessée par des militaires russes et que les autorités n’avaient pas mené d’enquête effective sur l’attaque. Elle invoquait notamment les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 13 (droit à un recours effectif), 34 (droit de recours individuel) et 38 § 1 a) (obligation de fournir toutes facilités nécessaires pour l’examen de l’affaire).

La Cour note, notamment, que la requérante insiste sur le fait que les habitants du district Staropromyslovski et elle-même ont été informés qu’il existait une voie sûre pour échapper aux combats, qu’ils ont suivie le 23 janvier 2000 après avoir signalé qu’ils étaient des civils. Dans ses déclarations à la Cour et pendant l’enquête interne, la requérante a toujours soutenu que les bombardements et les tirs provenaient de la direction où se trouvaient les forces russes ainsi que d’hélicoptères. Elle a fourni à l’appui un croquis des lieux de l’incident indiquant l’endroit où elle avait été blessée et la direction d’où provenait l’attaque, à savoir une conserverie où les troupes russes étaient provisoirement stationnées à l’époque. Elle a aussi soumis quatre déclarations de témoins corroborant ses allégations. L’enquête interne qui s’est ensuivie a admis la version de la requérante et a même conclu, en août 2002, que l’intéressée avait été blessée en tentant de quitter Grozny par le couloir humanitaire. De fait, le Gouvernement n’a pas nié que des troupes russes étaient stationnées dans la conserverie en question à l’époque, mais il a laissé entendre qu’il n’avait pas été en mesure de déterminer quelles unités militaires s’y trouvaient précisément. La Cour admet donc que la requérante a été attaquée dans les circonstances qu’elle a indiquées et juge établi qu’elle a été blessée à la suite d’un recours à la force meurtrière par des agents de l’Etat. Notant que les autorités n’ont pas justifié pareil recours à la force meurtrière, la Cour conclut à la violation de l’article 2 dans le chef de Mme Oumaïeva à raison de l’attaque qu’elle a subie.

La Cour constate de plus que l’enquête n’a apparemment pas cherché à obtenir des informations générales sur les opérations, les chefs et les unités militaires présents dans le district Staropromyslovski le 23 janvier 2000 ni à identifier et interroger les personnes qui auraient pu être au courant des circonstances de l’attaque. Par ailleurs, les enquêteurs n’ont pas pris contact avec l’hôpital de campagne Emercom, situé tout près de la zone des combats, où la requérante et d’autres habitants du district avaient reçu les premiers soins, afin de recueillir des renseignements complémentaires sur l’incident. De plus, et cela est primordial, rien n’a été fait pour en savoir plus sur l’annonce qui avait été faite d’un « passage sûr » pour les civils le 23 janvier 2000 ou pour identifier les personnes qui, au sein des autorités civiles ou militaires, étaient chargées d’assurer la sécurité des civils. Rien n’a été fait non plus pour expliquer pourquoi les militaires n’ont pas tenu compte de ce passage lorsqu’ils ont planifié et exécuté leur mission. L’enquête, suspendue et rouverte à de multiples reprises et frappée de retards inexplicables, est restée pendante pendant de nombreuses années et n’a abouti à aucun résultat tangible. Enfin, la requérante, après s’être vu reconnaître la qualité de victime, n’a pas eu accès au dossier et n’a pas été correctement informée des progrès de l’enquête. Dès lors, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 2 à raison du manquement des autorités russes à mener une enquête effective sur les circonstances de l’attaque subie par la requérante.

La Cour dit aussi à l’unanimité qu’il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 2 et qu’il ne se pose aucune question distincte sur le terrain de l’article 3. Enfin, elle dit qu’il n’y a pas lieu d’examiner séparément les griefs tirés par la requérante des articles 34 et 38 § 1 a).

La Cour alloue à Mme Oumaïeva 4 736 EUR pour préjudice matériel, 30 000 EUR pour préjudice moral et 1 783 livres sterling (soit environ 2 100 EUR) pour frais et dépens.

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