Akhmadova c. Russie
Le cas de la CEDH d’Akhmadova c. Russie (requête no 25548/07).
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COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
CEDH 134 (2012)
3.04.2012
Communiqué du Greffier
La Russie responsable de la mort d’un policier dans une fusillade en Tchétchénie
Dans son arrêt de chambre, non définitif1, rendu ce jour dans l’affaire Akhmadova c. Russie (requête no 25548/07), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
Deux violations de l’article 2 (droit à la vie ; obligation de mener une enquête effective) et violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) combiné avec l’article 2 de la Convention européenne des droits de l’homme.
L’affaire concerne le décès d’un policier en Tchétchénie lors d’une fusillade déclenchée par un groupe important d’hommes armés qui, selon la mère du défunt, étaient des militaires russes.
Principaux faits
La requérante, Yakha Akhmadova, est une ressortissante russe née en 1953 et résidant à Grozny, Tchétchénie (Russie). Son fils, Khozh-Akhmed Akhmadov, était policier dans l’unité de patrouille du ministère de l’Intérieur tchétchène. M. Akhmadov décéda à l’hôpital en novembre 2004 des suites des blessures causées par les coups de feu tirés sur lui et sur un collègue lorsqu’ils furent bloqués à Grozny par un groupe de 30 hommes armés en uniforme circulant dans des voitures sans plaques d’immatriculation.
Mme Akhmadova allègue que son fils a été tué par des militaires russes. D’après elle, le chef d’état-major et le sous-chef de l’unité de son fils lui indiquèrent lors des funérailles que les auteurs des coups de feu avaient été identifiés et qu’il s’agissait d’hommes d’un bataillon militaire local qui avaient tué son fils par erreur. En outre, un certain nombre d’autres témoins, notamment un policier qui avait été interrogé le jour des événements, déclarèrent que les hommes qui avaient déclenché les tirs s’étaient présentés comme des militaires de ce bataillon.
Le gouvernement russe ne conteste pas la version des faits exposée par Mme Akhmadova, mais nie que les auteurs des coups de feu aient été des agents des forces de l’ordre ou des militaires. Il indique qu’une enquête sur le décès du fils de Mme Akhmadova a été ouverte une semaine après les événements. Elle a été suspendue et reprise à plusieurs occasions, mais n’a pas permis d’identifier les auteurs des coups de feu.
Griefs, procédure et composition de la Cour
Invoquant les articles 2 et 13 de la Convention, Mme Akhmadova allègue que son fils a été tué par des militaires russes, que les autorités n’ont pas mené d’enquête effective sur le décès et qu’elle n’a disposé d’aucun recours effectif concernant ces griefs.
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 28 mai 2007.
L’arrêt a été rendu par une chambre de sept juges composée de :
Nina Vajić (Croatie), présidente,
Anatoly Kovler (Russie),
Elisabeth Steiner (Autriche),
Mirjana Lazarova Trajkovska (Ex-République Yougoslave de Macédoine),
Julia Laffranque (Estonie),
Linos-Alexandre Sicilianos (Grèce),
Erik Møse (Norvège), juges,
ainsi que de André Wampach, greffier adjoint de section.
Décision de la Cour
La Cour conclut à la violation de l’article 2 à raison du décès de Khozh-Akhmed Akhmadov. Il n’est pas contesté que celui-ci a essuyé des coups de feu en novembre 2004 et qu’il est décédé à l’hôpital des suites de ses blessures. Les allégations de Mme Akhmadova selon lesquelles des agents de l’Etat sont responsables du décès de son fils sont étayées par un certain nombre de témoignages. La Cour observe en outre qu’à l’époque des événements, la région où le fils de la requérante a été bloqué se trouvait entièrement sous le contrôle des autorités. Il est donc très improbable qu’un important groupe d’hommes armés en uniforme se faisant passer pour des militaires et ouvrant le feu ait pu circuler sans que les autorités soient au courant. Dès lors, la Cour estime que les éléments de preuve dont elle dispose permettent d’établir selon le critère de la preuve requis que des militaires russes sont responsables du décès du fils de Mme Akhmadova, et souligne que le gouvernement russe n’a fourni aucune explication plausible pour le décès.
La Cour conclut en outre à la violation de l’article 2 à raison de l’absence d’enquête effective sur les circonstances du décès. L’incident a été immédiatement porté à la connaissance des autorités et une enquête pénale a été ouverte une semaine plus tard. S’il ressort des documents soumis à la Cour que les enquêteurs avaient été informés dès le début de la procédure de l’implication alléguée d’agents des forces de l’ordre dans l’incident, ils n’ont, semble-t-il, pris aucune mesure pour examiner cette allégation. Ils n’ont jamais pris certaines mesures d’enquête indispensables, qui auraient dû être mises en oeuvre immédiatement après que le décès eût été signalé, par exemple l’interrogatoire des principaux témoins et des mesures en vue d’établir qui étaient les propriétaires des véhicules utilisés par les auteurs des coups de feu. En outre, ils n’ont pas informé Mme Akhmadova des progrès importants de la procédure, à part la suspension et la reprise de l’enquête, alors que l’intéressée s’était vu reconnaître la qualité de victime. Enfin, entre la suspension et la reprise de l’enquête, il y a eu de longues périodes d’inactivité.
La Cour conclut également à la violation de l’article 13 combiné avec l’article 2. Elle souligne que lorsqu’une enquête pénale sur un meurtre est ineffective, cela nuit à l’effectivité de tout autre recours ayant pu exister. L’Etat défendeur a donc manqué à son obligation découlant de l’article 13.
Satisfaction équitable
Au titre de l’article 41 (satisfaction équitable) de la Convention, la Cour dit que la Russie doit verser 60 000 euros (EUR) à Mme Akhmadova pour préjudice moral.
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