L’exode massif des réfugiés tchétchènes

Les deux guerres ont projeté les Tchétchènes partout sur la planète. Difficile aujourd’hui de trouver un continent et un pays où ils sont absents: Europe, Asie, Proche-Orient, Japon, Australie et Amérique… Nous sommes partout.
La majorité des Tchétchènes s’adaptent rapidement aux nouvelles conditions de vie. Mais, où que le porte son destin, le Tchétchène reste toujours fils de sa patrie et reste en contact constant avec elle. Il souffre d’en être éloigné et en éprouve forcément la nostalgie, même quand ça se passe bien dans sa nouvelle vie. (…)
Ces derniers mois, les médias européens évoquent l’afflux de demandeurs d’asile tchétchènes. Rien de neuf, se dira-t-on, la fuite vers l’Europe ne s’est jamais interrompue. Toutefois, les statistiques fournies par les autorités allemandes et polonaises attestent qu’il ne s’agit plus là de quelques dizaines ou de quelques centaines de personnes cherchant un meilleur sort dans d’autres pays: la première partie de l’année 2013 a été marquée par un flot massif quittant la Russie.
La première à s’émouvoir fut la Pologne: 900 Tchétchènes ont passé la frontière chaque semaine rien qu’en février-mars! 600 en mars-avril. Ce n’est pas rien!
Qu’est-ce qui a pu se passer en Tchétchénie, fin 2012, pour que des dizaines de milliers d’habitants partent de chez eux par rues entières? Et pourquoi vers l’Allemagne et pas vers la France, la Norvège, l’Autriche, le Danemark ou la Belgique?
Toute personne arrivant en Allemagne doit savoir que, rien qu’en 2012, près de 7000 demandeurs d’asile en ont été expulsés. Dont 157 vers la Russie. 99% des Tchétchènes passent par la Pologne pour atteindre l’Allemagne. Selon “Die Welt”, 1000 sont arrivés en mars, 2055 en avril. 40% essuieront un rejet en première instance et 50% en seconde. Ces 90% devront alors chercher refuge ailleurs en Europe.
Selon Svetlana Gannouchkina, militante des droits humains en Russie, la cause de cette ruée vers l’Allemagne serait due à une rumeur circulant en Tchétchénie comme quoi l’Allemagne était prête à accueillir 40 000 réfugiés tchétchènes, avec terres et emplois…
Quelle supercherie! L’Allemagne, que l’on sache, ne manque pas de bras. De plus, elle est réputée pour accorder difficilement le statut de réfugié. Ces dix dernières années, c’est la France, la Belgique, le Danemark que les gens visaient, évitant même de transiter par l’Allemagne.
Au départ, ce sont les passeurs qui ont décidé de se faire de l’argent sur les Tchétchènes. Un business ancien datant de la seconde guerre russo-tchétchène. Le but, persuader les familles à émigrer. Puis, une fois arrivés à la frontière, faire encore “cracher” ses victimes, bien plus que le contrat initialement prévu. Environ 3000 dollars et ils pourront atteindre la Pologne sans visa. Là, d’autres passeurs finiront de les plumer; sans compter les garde-frontière polonais qu’il va falloir acheter pour qu’ils ne prennent pas leurs empreintes. La Convention de Dublin les contraint à s’enregistrer dans le premier pays d’accès à l’Union européenne. Et, en le faisant en Pologne, ils en deviennent les otages définitifs. Sauf que la Pologne, elle-même productrice d’exilés économiques, n’a pas les moyens de subvenir à leurs besoins et va chercher à s’en débarrasser, transformant ces indésirables en migrants illégaux.
Entassés dans les baraquements des camps en Allemagne, les milliers de demandeurs d’asile tchétchènes vivent une situation critique, les gens sont au bord de la crise de nerfs. Dire qu’on leur avait promis monts et merveilles s’ils quittaient leur patrie!
Et qui, aujourd’hui en Europe, se soucie des Tchétchènes ?
Maïrbek Vatchagaev
DOSH 3 (41) / 2013
*Traduit par le Nouvelles de Tchétchénie (No.69)
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