Barre des Cévennes, 200 habitants, 426 manifestants pour une famille Tchétchène
Dans le village de Barre-des-Cévennes, à plus de 900 mètres d’altitude, où 200 habitants vivent à l’année, ce n’est pas souvent que l’étroite rue principale est remplie de monde. Il y a bien les fêtes du village et deux fois par an un troupeau de moutons transhumants qui bloque la circulation, mais jamais des manifestants ! Mardi 5 août, plus de 400 personnes, 426 selon RESF, ont parcouru la rue pour demander la régularisation de la famille tchétchène D., habitant à Barre depuis bientôt 3 ans.
Parce que, pendant les guerres russo-tchétchènes, le père, Vakha, a soutenu les combattants tchétchènes, lui, sa femme, Medna, et leurs fils, Ramzan et Oussam, ont dû fuir leur pays. En Pologne, ils n’obtiennent pas l’asile et, en 2010, nouveau départ : ils choisissent de venir France.
La France (en toute légalité !) refuse qu’ils demandent l’asile et veut les renvoyer en Pologne, d’où ils pourront être expulsés en Ukraine, d’où ils pourront être expulsés en Russie. Mais, alors que la France dispose d’un délai d’un an pour les réexpédier en Pologne, la municipalité et les habitants du village de Barre choisissent de les accueillir. Le temps passe, le délai est dépassé et ils peuvent enfin déposer leur demande d’asile. Soulagement jusqu’à la réponse négative : la France refuse de leur accorder sa protection.
Ils reçoivent des Obligations de Quitter le Territoire Français et le préfet refuse de les régulariser car ils ne remplissent pas les critères de la circulaire « Valls ».
Ramzan et Oussam ont bien effectué en France, les 3 ans de scolarité demandés, tous deux ont de bons résultats et leur attitude est exemplaire. Seulement, la famille n’est en France que depuis 3 ans et demi alors que la circulaire préconise : « une vie familiale caractérisée par une installation durable du demandeur sur le territoire français, qui ne pourra qu’exceptionnellement être inférieure à 5 ans ». Ils sont en France depuis 3 ans et demi, ils ont quitté leur pays depuis 7 ans, Ramzan et Oussam avaient alors 5 ans et 3 ans, mais cela n’a rien d’exceptionnel aux yeux du préfet de la Lozère !
Cette famille discrète est bien présente dans la vie du village : échanges sur les façons de jardiner, de cuisiner, café pris ensemble, papotages au coin du feu l’hiver, dans la rue l’été, coups de main… Ils sont devenus des Barrois. Comme les H’Mongs, réfugiés laotiens, accueillis à Barre au début des années 80. Ces derniers, partis vivre ailleurs, reviennent toujours au village voir leurs amis, montrer à leurs enfants les jardins que cultivaient leurs parents et leur expliquer que c’est là qu’ils ont leurs racines.
À Barre, on se souvient avec émotion de leur départ : ici on n’est pas nombreux, alors quand une famille s’en va, on a toujours un pincement au cœur.
Mais que pourront répondre les parents à leurs enfants qui vont à l’école et au club de foot, jouent dans le village avec Ramzan et Oussam, s’ils sont expulsés ? Quand une famille peut être renvoyée vers un pays où enlèvements, tortures, disparitions, exécutions sont monnaie courante, ce n’est plus un pincement au cœur que l’on ressent, mais de la peur et de la colère.
Le Comité de soutien a fait fonctionner ses réseaux et des manifestants, dont de nombreux élus des Cévennes (maires, conseillers municipaux, conseillers généraux), sont venus des vallées cévenoles, et de plus loin pour certains, pour crier leur colère et montrer leur détermination.
Colère parce qu’en Lozère, la famille D. et 6 autres familles (26 personnes dont 13 enfants scolarisés) peuvent être expulsées alors que le département a lancé une campagne de 600000 euros, pour attirer de nouveaux habitants, avec le slogan « Vous aussi, votre nouvelle vie est en Lozère » !
Détermination à rester vigilants et mobilisés pour que le préfet de la Lozère, Guillaume Lambert, régularise les 2 familles habitant les Cévennes : la famille D. à Barre et la famille arménienne, Sardaryan, à Florac depuis peu.
Patricia Grime (RESF Lozère)
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