« Le Petit Homme » : l’histoire de Ramasan, jeune réfugié tchétchène
D’origine iranienne mais née en Allemagne, Sudabeh Mortezai a grandi entre l’Iran et l’Autriche, où ses études de cinéma l’ont amenée à faire ses premiers pas dans le documentaire avec deux longs-métrages, Les Enfants du prophète et Les Noces persanes, qui se plongeaient dans la culture et les coutumes iraniennes. Son passage à la fiction, avec Le Petit Homme, reste étroitement lié à son travail de documentariste, ainsi qu’à son histoire personnelle : elle suit le parcours d’un enfant, presqu’ un adolescent, qui a quitté un pays pour s’installer dans un autre, et doit trouver sa place dans l’entre-deux.
Après la mort de son père au combat, Ramasan a quitté la Tchétchénie pour l’Autriche avec sa mère et ses deux petites sœurs. Dans le camp de réfugiés de Macondo, il a pris assez naturellement le rôle de l’homme de la famille : il va chercher ses sœurs à l’école, fait l’interprète, épaule sa mère dans ses démarches administratives. Il s’y est habitué sans se demander si cette place était vraiment la sienne : il n’y avait personne d’autre que lui pour la prendre.
Mais la rencontre avec Issa, un ancien ami de son père, perturbe ce train-train quotidien à moitié reconstruit. Ramasan s’est tellement habitué à remplacer son père qu’il croit d’abord trouver en Issa un égal : mais si Issa lui volait son rôle ? Ramasan a beau voler dans les boutiques et faire mille bêtises avec ses copains, il ne sait plus comment redevenir enfant.
A la frontière entre fiction et documentaire
Tourné dans le camp de réfugiés de Macondo, avec un dispositif très libre laissant la part belle à l’improvisation, Le Petit Homme se présente, lui aussi, comme un film à la frontière, entre fiction et documentaire. Un casting éclairé, et une direction d’acteurs finement menée, ont permis à la réalisatrice de trouver en la personne du jeune Ramasan Minkailov un protagoniste assez solide pour porter le film sur ses épaules : entre une séance de jeu avec ses amis et une mission de surveillance de ses sœurs, il semble changer d’âge, les épaules soudain raidies sous le poids d’une gravité et d’un sérieux trop lourds.
Autour de cette très jolie performance d’acteur, le film reste un peu bloqué dans son esthétique naturaliste, et l’apparition d’Issa, au lieu d’introduire du mouvement, tend à figer la narration : bien que tout à fait plausibles et bien rendus, les changements d’attitude du petit garçon, contraint de faire l’adulte face à l’adulte, se donnent à voir au fil d’étapes assez prévisibles, qui auraient mérité, au montage au moins, un peu plus de créativité, et un peu moins… de naturel.
Noémie Luciani
Le Monde – 24.03.2015
Views: 2829
Tweet
Laissez votre réponse!