Issigova et autres c. Russie
Le cas de la CEDH du Issigova et autres c. Russie (requête no. 6844/02).
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COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
478
26.6.2008
Communiqué du Greffier
Arrêts de chambre
Issigova et autres c. Russie
Issigova et autres c. Russie (requête no 6844/02)
Les requérants sont cinq ressortissants russes vivant à Sernovodsk, un village de Tchétchénie (Russie). Tsalipat et Aminat Issigova sont respectivement la mère et la sœur d’Apti Issigov, né en 1978. Khalisat Oumkhanova, Taissiya Moussaïeva et Arbi Oumkhanov sont respectivement la mère, la femme et le fils de Zelimkhan Oumkhanov, né en 1972.
Les requérants alléguaient que Apti Issigov et Zelimkhan Oumkhanov avaient disparu le 2 juillet 2001 après avoir été illégalement arrêtés par des militaires russes pendant une opération de nettoyage effectuée dans leur village et que les autorités russes n’avaient mené aucune enquête effective sur leurs allégations. Ils invoquaient les articles 2 (droit à la vie), 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants), 5 (droit à la liberté et à la sûreté), 6 (droit à un procès équitable), 13 (droit à un recours effectif), 34 (droit de recours individuel) et 38 § 1 a) (obligation de fournir les facilités nécessaires à l’examen de l’affaire) de la Convention européenne des droits de l’homme.
La Cour européenne des droits de l’homme relève que depuis juillet 2001 il n’y a pas eu de nouvelles fiables des proches des requérants et que le gouvernement russe n’a soumis aucune explication quant à ce qui leur est arrivé à la suite de leur enlèvement. Dans le contexte du conflit en République tchétchène, lorsqu’une personne est arrêtée par des soldats non identifiés et qu’il n’y a pas reconnaissance ultérieure de sa détention, cette situation peut être considérée comme une menace pour la vie. L’absence d’Apti Issigov et de Zelimkhan Oumkhanov ou de nouvelles d’eux depuis plusieurs années corroborent ce présupposé. Tous deux doivent donc être présumés morts à la suite de leur détention non reconnue par des soldats fédéraux. En conséquence, la Cour conclut à l’unanimité à la violation de l’article 2 en ce qui concerne Apti Issigov et Zelimkhan Oumkhanov. Elle constate aussi, à l’unanimité, une autre violation de l’article 2 à raison du manquement des autorités russes à mener une enquête effective sur les circonstances dans lesquelles les proches des requérants ont disparu.
La Cour estime par ailleurs que les requérants ont vécu et continuent de vivre dans la détresse et l’angoisse à cause de la disparition de leurs proches et de l’impossibilité où ils se trouvent d’établir ce qui leur est arrivé. La manière dont les autorités ont traité leurs plaintes doit être considérée comme un traitement inhumain contraire à l’article 3. La Cour dit aussi, à l’unanimité, qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 en ce qui concerne Apti Issigov et Zelimkhan Oumkhanov, en l’absence de toute information fiable sur les mauvais traitements qu’ils auraient subis et la manière dont ils sont décédés.
La Cour considère en outre que les proches des requérants ont subi une détention non reconnue et ont été privés des garanties contenues à l’article 5 de la Convention ; d’où une violation particulièrement grave du droit à la liberté et à la sûreté consacré par cette disposition.
La Cour dit également, à l’unanimité, qu’il y a eu violation de l’article 13 eu égard à la violation alléguée de l’article 2. Elle constate aussi qu’aucune question distincte ne se pose sous l’angle de l’article 13 quant aux violations alléguées des articles 3 et 5, et sous l’angle de l’article 34. Enfin, elle constate qu’il n’y a pas lieu d’examiner le grief des requérants tiré de l’article 6 et qu’il n’y a pas eu manquement à satisfaire aux obligations de l’article 38 § 1 a).
La Cour alloue 5 000 EUR à Tsalipat Issigova pour le préjudice matériel et 35 000 EUR conjointement à Tsalipat et Aminat Issigova pour le préjudice moral. Khalisat Oumkhanova, Taissiya Moussaïeva et Arbi Oumkhanov se voient octroyer 15 000 EUR conjointement pour le préjudice matériel et 40 000 EUR conjointement pour le préjudice moral. Par ailleurs, la Cour alloue aux requérants 17 737 EUR pour frais et dépens.
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