“André Glucksmann, le premier et le principal allié des tchétchènes dans leur combat contre le terrorisme”

Les gens exceptionnels se distinguent par une conduite exceptionnelle. Les obsèques de cette grande personne furent à la hauteur de ses engagements nobles.

A peine les derniers mots d’adieux au plus grand penseur français du XXème siècle prononcés que la France est frappée d’une vague de violence incroyable, jamais vue de notre époque.

Le 13 novembre 2015 a marqué l’histoire de la Vème République comme l’équivalent du 11 septembre 2001, le soir tragique qui a déchiré la vie des français en « avant » et « après ».

J’ai appris cette terrible nouvelle au moment où je rentrais avec mes amis des obsèques d’André. Je n’ai jamais cru à la mystique mais j’ai commencé sérieusement a me demander s’il s’agissait vraiment d’un triste hasard car cela a plutôt paru comme un signe.

Et une image est apparue dans mon esprit, celle de la force noire du nihilisme qui s’est retrouvée dans le terrorisme de nos jours (qu’on appelle, à tort, « musulman ») et jusqu’ici retenue par l’épée d’André envahit les rues de Paris suite à la disparition de son ennemi le plus redoutable!

Le philosophe brillant de notre temps il n’a pas seulement combattu la tyrannie, il l’a fustigée, il la trouvait partout où elle apparaissait dans le monde pour la dévoiler aux grand jour.

Telle était la réponse d’André Glucksmann à tous les opposants de son soutien aux mesures contre l’agression russe en Tchétchénie, contre la dictature de Milosevic, contre Saddam Hussein…La clé est dans les paroles du philosophe « la réalité de l’existence des camps de concentration ne dépend pas de ce qui est écrit sur le portail » et « le refus de cacher le mal peut sauver des vies ».

La nature même de Glucksmann ne pouvait l’emmener à autre chose qu’à la bonne compréhension de la question tchétchène. Il a été une des rares personnalités dans le monde à s’opposer farouchement à la propagande de Kremlin, qui a tenté d’inscrire la lutte légitime pour le droit à la décolonisation du peuple tchétchène dans le terrorisme international. André Glucksmann voyait dans le terrorisme contemporain la forme finale du nihilisme, un phénomène d’origine russe qui a donné naissance au terrorisme des membres de l’organisation populiste sous le régime du Tsar, une forme de combat politique.

Glucksmann a vu dans l’autocratie de la Russie de Poutine l’origine du terrorisme qui s’est transformé aujourd’hui en douleur et sang qui coulent en Europe et au Moyen-Orient.

C’était un opposant fervent de la violence et il allait jusqu’au bout de sa pensée et de sa démarche. Nous avons tous en mémoire la conférence des droits de l’Homme à Moscou en 2001 quand André Glucksmann a obligé la délégation russe à se lever pour les enfants tchétchènes qui périssaient sous les bombardements russes.

Il n’avait aucun doute dans le fait que le combat des tchétchènes contre le joug colonial russe fait partie d’un plus grand combat – celui contre le terrorisme et la barbarie générés par culture nihiliste de Moscou, totalitaire depuis des siècles…

Galia Ackerman resume le rapport d’André aux tchétchènes dans le passage suivant :

Pour lui le combat d’un petit peuple caucasien depuis deux siècles dans les débuts contre le général Ermolov et jusqu’à Poutine était symbole de l’amour pour la liberté et de refus de se réduire à l’esclavage. Dans les années 90 il a rencontré plusieurs leaders d’Itchkérie et il a soutenu les plus modérés et les plus laïcs entre eux. Quand la guerre tchétchène a éclaté la population civile n’a pas eu d’allié plus ferme et plus cohérent que Glucksmann. Pendant de longues années il a publié des centaines d’articles exaltés contre les méthodes barbares de la guerre en Tchétchénie. André a aidé un grand nombre de réfugiés tchétchènes en France. Il a également été très actif dans l’association qui a aidé les étudiants tchétchènes à intégrer les universités françaises. »

André nous avertissait : « Le véritable problème de notre époque est dans l’insensibilité grandissante au mal, à la cruauté, à la douleur », prophétie à laquelle notre civilisation demeure sourde.

On peut dire que Glucksmann a eu la chance de ne pas voir la folie globale qui se propage en Europe et aux Etats Unis et avance à grands pas partout dans le monde.

Aujourd’hui, un an après le départ d’André tout ce qu’il combattait devient réalité, de plus en plus de leaders politiques expriment une admiration pour la Russie totalitaire de Poutine – l’héritage de terrorisme renouvelé qui vise la vie et la liberté de la personne, de l’Homme.

Et c’est aujourd’hui que tous les réfugiés politiques de la Tchétchénie occupée d’Alaska au Japon, en pensant à André Glucksmann comme à un ami, un professeur, au dernier chevalier de l’Europe, se rendent compte qu’il semble qu’il restent désormais seuls face au terrorisme.

Eh bien, notre peuple connait cela. Si la main du terrorisme russe se tend ici, nous sommes prêts à un nouveau combat au nom de la liberté et de la dignité humaine.

14.11.2016

Adam Dervishev

Traduit par M.S.