Estamirova c. Russie

Le cas de la CEDH d’Estamirova c. Russie (requête no 27365/07).
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COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
CEDH 168 (2012)
17.04.2012
Communiqué du Greffier
Décès d’un civil au cours d’une fusillade dans une ville tchétchène : la Cour conclut que les militaires ne sauraient être tenus pour responsables, mais que les autorités n’ont pas mené une enquête effective
Dans son arrêt de chambre, non définitif1, rendu ce jour dans l’affaire Estamirova c. Russie (requête no 27365/07), la Cour européenne des droits de l’homme dit, à l’unanimité, qu’il y a eu :
Non-violation de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l’homme concernant le décès d’Asradiy Estamirov ;
Violation de l’article 2 du fait que les autorités n’ont pas mené une enquête effective sur les circonstances du décès d’Asradiy Estamirov ; et
Violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) combiné avec l’article 2.
Principaux faits
La requérante, Sovman Estamirova, est une ressortissante russe née en 1959. Elle vivait à Argun à l’époque des faits, mais réside actuellement à Noybera. Les deux villes se trouvent en Tchétchénie. Son affaire concernait le décès le 5 janvier 2001 de son mari, Asradiy Estamirov (né en 1957) au cours d’une intense fusillade entre un convoi militaire et des personnes non identifiées, alors qu’il se trouvait au coin d’une rue d’Argun.
L’enquête sur le décès de l’intéressé, qui est toujours en cours, n’a jusqu’ici pas permis d’identifier les responsables.
Griefs, procédure et composition de la Cour
Invoquant en particulier les articles 2 (droit à la vie) et 13 (droit à un recours effectif), Mme Estamirova alléguait que son mari avait été tué par des militaires russes et que les autorités n’avaient pas mené une enquête effective sur son allégation.
La requête a été introduite devant la Cour européenne des droits de l’homme le 8 juin 2007.
L’arrêt a été rendu par une chambre de sept juges composée de :
Nina Vajić (Croatie), présidente,
Anatoly Kovler (Russie),
Elisabeth Steiner (Autriche),
Mirjana Lazarova Trajkovska (« ex-République Yougoslave de Macédoine »),
Julia Laffranque (Estonie),
Linos-Alexandre Sicilianos (Grèce),
Erik Møse (Norvège), juges,
ainsi que de André Wampach, greffier adjoint de section.
Décision de la Cour
Article 2
Le gouvernement russe a coopéré avec la Cour et a soumis une copie du dossier d’enquête. Selon ce dossier, le mari de Mme Estamirova a été tué par balle lors d’une fusillade entre un convoi militaire et des personnes non identifiées. Il n’y a aucun témoin direct de l’incident. En outre, il n’existe pas de preuve matérielle indiquant si la balle ayant causé le décès du mari de la requérante a été tirée par une arme appartenant aux militaires ou au groupe de personnes non identifiées. La Cour ne peut donc pas conclure «au-delà de tout doute raisonnable » qu’Asradiy Estamirov a été tué par les militaires russes. Dès lors, il n’y a pas eu violation de l’article 2 concernant le décès d’Asradiy Estamirov.
La Cour conclut toutefois à la violation de l’article 2 du fait que les autorités n’ont pas mené une enquête effective sur les circonstances du décès d’Asradiy Estamirov. En particulier, les autorités sont restées en défaut de prendre un certain nombre de mesures essentielles, par exemple l’interrogatoire du chef du convoi militaire, des conducteurs et d’autres militaires. Il a fallu attendre plus de huit ans pour que soit effectuée une expertise balistique destinée à identifier les armes à feu utilisées durant l’incident. En outre, l’enquête a été suspendue et reprise plusieurs fois et a été marquée par de longues périodes d’inactivité. Bien que Mme Estamirova ait été informée de ces mesures procédurales, aucun progrès important n’a été porté à sa connaissance.
Article 13
La Cour rappelle que lorsque, comme en l’espèce, une enquête pénale sur un meurtre est ineffective, cela nuit à l’effectivité de tout autre recours ayant pu exister. L’Etat défendeur a donc manqué à son obligation découlant de l’article 13. Par conséquent, il y a eu violation de l’article 13 combiné avec l’article 2.
Article 41 (satisfaction équitable)
La Cour dit que la Russie doit verser à Mme Estamirova 30 000 euros (EUR) pour préjudice moral, et 2 500 EUR pour frais et dépens.
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