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Bazorkina c. Russie

Ajouté par on Thursday, 27 July 2006.    480 views Aucun commentaire
Bazorkina c. Russie

Le cas de la CEDH du Bazorkina c. Russie (no 69481/01).

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COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME

447
27.7.2006

Communiqué du Greffier

ARRÊT DE CHAMBRE BAZORKINA c. RUSSIE

La Cour européenne des Droits de l’Homme a communiqué aujourd’hui par écrit son arrêt de chambre dans l’affaire Bazorkina c. Russie (requête no 69481/01).

La Cour conclut, à l’unanimité :

à la violation de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des Droits de l’Homme à raison de la disparition du fils de la requérante, Khadji-Murat Yandïev ;

à la violation de l’article 2 de la Convention faute d’une enquête effective sur les circonstances de la disparition de M. Yandïev ;

à la non-violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) en ce qui concerne le manquement à mettre M. Yandïev à l’abri de mauvais traitements ;

à la violation de l’article 3 en ce qui concerne la requérante, Mme Bazorkina ;

à la violation de l’article 5 (droit à la liberté et à la sûreté) en ce qui concerne la détention de M. Yandïev ;

à la violation de l’article 13 (droit à un recours effectif) en ce qui concerne les violations des droits de la requérante au titre des articles 2 et 3.

En application de l’article 41 (satisfaction équitable), la Cour alloue à la requérante 35 000 euros (EUR) pour préjudice moral et 12 241 EUR pour frais et dépens, somme qui sera versée aux représentants de l’intéressée. (L’arrêt n’existe qu’en anglais.)

1.  Principaux faits

La requérante, Fatima Sergueïevna Bazorkina, est une ressortissante russe née en 1938 et résidant à Karabulak, en Ingouchie (Russie). Elle a introduit sa requête en son nom et au nom de son fils, Khadji-Murat Yandïev, né le 27 août 1975.

La requérante affirme qu’en août 1999 son fils s’était rendu à Grozny, en Tchétchénie, et qu’elle n’a plus eu de ses nouvelles depuis.

Le 2 février 2000, elle vit aux actualités télévisées dans le cadre d’un reportage sur la prise du village d’Alkhan-Kala[2] (appelé aussi Yermolovka) son fils en train d’être interrogé par un officier russe. Elle obtint par la suite une copie complète de l’enregistrement, fait par un reporter de NTV (la télévision indépendante russe) et CNN. A la fin de l’interrogatoire, l’officier responsable donna pour instructions aux soldats d’« en finir » avec le fils de la requérante et de « le fusiller ». Les journalistes de CNN qui avaient filmé l’interrogatoire identifièrent ultérieurement l’officier qui avait procédé à celui-ci comme étant le colonel Alexandre Baranov, commandant des troupes qui avaient pris Alkhan-Kala.

Tout de suite après le 2 février 2000, la requérante se lança à la recherche de son fils ; elle se rendit dans des centres de détention et dans des prisons et s’adressa à diverses autorités. En août 2000, on l’informa que son fils n’était détenu dans aucune prison de Russie.

En novembre 2000, un procureur militaire prit la décision de ne pas ouvrir d’enquête pénale sur la disparition de M. Yandïev. Un mois plus tard, ce même procureur déclara qu’il n’y avait aucune raison de conclure que des militaires étaient responsables des actions montrées dans l’enregistrement vidéo.

En juillet 2001, le parquet de Tchétchénie ouvrit une enquête pénale sur l’enlèvement de M. Yandïev par des personnes non identifiées. Il apparut par la suite que M. Yandïev figurait sur une liste de personnes disparues.

En novembre 2003, la requête de Mme Bazorkina à la Cour européenne des Droits de l’Homme fut communiquée au gouvernement russe. A la suite de la décision sur la recevabilité, le Gouvernement communiqua à la Cour une copie du dossier de l’enquête pénale.

L’enquête permit d’établir que le fils de la requérante avait été placé en détention le 2 février 2000 à Alkhan-Kala. Peu après son arrestation, il avait été remis aux militaires du ministère de la Justice afin d’être transféré à un centre de détention provisoire. Il n’était jamais arrivé à quelque centre de détention provisoire que ce fût et on n’était pas parvenu à établir où il se trouvait.

Le colonel Baranov fut interrogé à deux reprises sur les événements et déclara qu’il n’avait pas donné l’ordre de « fusiller » M. Yandïev, mais qu’il avait voulu mettre un terme au comportement agressif de celui-ci et prévenir des troubles éventuels. Il précisa que les militaires qui étaient à ses côtés n’étaient pas ses subordonnés et ne pouvaient donc recevoir d’ordres de lui.

L’enquête fut ajournée de juillet 2001 à février 2006 ; elle fut rouverte à six reprises. Les documents versés au dossier portent dans leur majorité une date postérieure à décembre 2003.

A différents stades de la procédure, les procureurs de rang supérieur rendirent plusieurs décisions indiquant les mesures que les enquêteurs devaient prendre. En particulier, en décembre 2003, un procureur, s’apercevant qu’il n’y avait eu aucune enquête véritable, ordonna de faire en sorte d’identifier les détachements des forces fédérales qui auraient pu être impliqués dans l’opération spéciale d’Alkhan-Kala au début de février 2000 et d’établir ce qu’il était advenu des personnes détenues.

2.  Procédure et composition de la Cour

La requête a été introduite devant la Cour européenne des Droits de l’Homme le 11 avril 2001 et déclarée en partie recevable le 15 septembre 2005. Une audience a eu lieu en public au Palais des Droits de l’Homme, à Strasbourg, le 8 décembre 2005.

L’arrêt a été rendu par une chambre de 7 juges composée de :

Christos Rozakis (Grec), président,
Loukis Loucaides (Cypriote),
Françoise Tulkens (Belge),
Peer Lorenzen (Danois),
Nina Vajić (Croate),
Anatoli Kovler (Russe),
Elisabeth Steiner (Autrichienne), juges,

ainsi que de Søren Nielsen, greffier de section.

3.  Résumé de l’arrêt

Griefs

La requérante soutenait que son fils avait été maltraité et tué par les forces fédérales et qu’aucune enquête effective n’avait été menée sur les circonstances des mauvais traitements subis par lui et de sa « disparition ». Elle faisait valoir aussi, pour ce qui la concernait, que la « disparition » de son fils lui avait causé angoisse et affliction. Elle invoquait les articles 2, 3, 5, 6, 8 et 13.

Décision de la Cour

Article 2

Le décès présumé de M. Yandïev

La Cour rappelle que les personnes détenues se trouvent dans une position de vulnérabilité et que les autorités ont le devoir de les protéger. L’obligation qui pèse sur les autorités de rendre compte du traitement réservé à un individu détenu s’impose d’autant plus lorsque celui‑ci est décédé ou a disparu après son placement en garde à vue.

La Cour relève qu’il ne prête pas à controverse que M. Yandïev a été détenu au cours d’une opération antiterroriste menée dans le village d’Alkhan-Kala le 2 février 2000. Elle prend aussi en compte l’enregistrement vidéo et les déclarations de nombreux témoins versées au dossier de l’enquête pénale qui confirment que cet homme fut interrogé par un officier supérieur qui, à la fin de l’interrogatoire, déclara qu’il devait être exécuté. Elle note enfin que, depuis cette date, on n’a eu aucune nouvelle fiable du fils de la requérante.

En l’absence de toute explication plausible du gouvernement russe, et compte tenu du fait que depuis six ans aucun élément ne permet de savoir où M. Yandïev se trouve, la Cour a la conviction qu’il faut présumer que celui-ci est décédé après sa détention non reconnue. Les autorités n’ayant invoqué aucun motif pouvant justifier que leurs agents aient recouru à la force meurtrière, la responsabilité est à imputer au gouvernement russe. La Cour dit en conséquence qu’il y a eu violation de l’article 2.

L’inadéquation de l’enquête

L’enquête fut ouverte un an et cinq mois après les événements litigieux et a connu des retards inexplicables. De surcroît, il apparaît à la Cour que la plupart des mesures nécessaires à la résolution du crime ne sont intervenues qu’après décembre 2003, une fois que la plainte de la requérante eut été communiquée au gouvernement russe. La Cour estime qu’à eux seuls ces retards ont compromis le caractère effectif de l’enquête et n’ont pu qu’affaiblir les chances de découvrir la vérité.

La Cour relève aussi plusieurs omissions graves ; en particulier, on n’a pas identifié ou interrogé certains des militaires chargés des détenus. Nombre des omissions en question sont apparues aux procureurs, qui ont ordonné certaines mesures. Toutefois, soit leurs instructions n’ont pas été respectées, soit elles ont été suivies avec un retard inacceptable.

Dans ces conditions, la Cour estime que les autorités n’ont pas mené une enquête pénale effective sur les circonstances de la disparition et du décès présumé de M. Yandïev ; elle dit qu’il y a eu violation de l’article 2.

Article 3

En ce qui concerne le grief relatif aux souffrances que la disparition de son fils a causées à la requérante, la Cour relève que l’intéressée est la mère de M. Yandïev et que dans un enregistrement vidéo, elle a vu son fils en train d’être interrogé puis emmené par des soldats à la suite de remarques donnant à entendre qu’il serait exécuté. Qui plus est, en dépit de ses demandes, l’intéressée n’a jamais reçu d’explication plausible ou d’informations quant à ce qu’il était advenu de son fils après la détention. Ces faits ont occasionné à la requérante affliction et angoisse. La Cour estime de surcroît que la manière dont les autorités ont traité les plaintes de Mme Bazorkina peut s’analyser en un traitement inhumain. Elle conclut dès lors à la violation de l’article 3.

La Cour estime que les éléments produits ne suffisent pas à étayer l’allégation de l’intéressée selon laquelle son fils a été soumis à des mauvais traitements alors qu’il se trouvait détenu ; elle dit en conséquence qu’il n’y a pas eu violation de l’article 3 à cet égard.

Article 5

La Cour relève que, bien qu’il fût établi que le 2 février 2000 les autorités fédérales détenaient le fils de la requérante, la détention n’a pas été consignée dans les registres de garde à vue et il n’existe aucune trace officielle de l’endroit où M. Yandïev s’est trouvé par la suite ou du sort qui lui a été réservé. La Cour voit dans ce fait un manquement des plus graves puisqu’il a permis aux responsables d’un acte de privation de liberté de dissimuler leur implication dans un crime, de brouiller leurs pistes et de se soustraire à toute responsabilité quant au sort réservé à un détenu ; ce fait est incompatible avec la finalité même de l’article 5.

La Cour considère en outre que les autorités auraient dû avoir conscience de la nécessité d’instruire plus en profondeur et plus rapidement les plaintes de la requérante, qui alléguait que son fils avait été détenu par les forces de l’ordre et emmené dans des conditions qui représentaient une menace pour sa vie. Elles ont au contraire failli à prendre rapidement des mesures effectives pour mettre M. Yandïev à l’abri d’un risque de disparition. La Cour note de plus qu’en décembre 2000 encore les autorités continuaient à démentir l’implication de militaires dans l’arrestation de M. Yandïev.

La Cour estime en conséquence que M. Yandïev s’est trouvé en détention non reconnue en l’absence totale des garanties prévues par l’article 5 et qu’il y a eu violation du droit à la liberté et à la sûreté garanti par cette disposition.

Article 13

Vu ses constats concernant les articles 2 et 3, la Cour estime que la requérante aurait dû pouvoir se prévaloir de recours concrets et effectifs de nature à conduire à l’identification et à la sanction des responsables et à l’octroi d’une réparation. Or, l’enquête pénale s’étant révélée ineffective, la Cour considère que l’Etat a failli à l’obligation qui pèse sur lui en vertu de l’article 13. Elle conclut en conséquence à la violation de l’article 13 en relation avec les articles 2 et 3.

La Cour estime qu’aucune question distincte ne se pose à propos de l’article 13 en relation avec l’article 5, qui renferme lui-même un certain nombre de garanties procédurales se rapportant à la légalité de la détention.

Autres articles

La Cour estime qu’aucune question distincte ne se pose sur le terrain des articles 6 et 8, et qu’il n’y a pas eu de la part du gouvernement russe de manquement aux articles 34 et 38 § 1a).

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