Gakayeva et autres c. Russie
Les cas de la CEDH dans l’affaire “Gakayeva et autres c. Russie” (requête nos. 51534/08, 4401/10, 25518/10, 28779/10,
33175/10, 47393/10, 54753/10, 58131/10, 62207/10 et 73784/10).
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COUR EUROPÉENNE DES DROITS DE L’HOMME
CEDH 293 (2013)
10.10.2013
Communiqué de presse du Greffier de la Cour
La Cour européenne des droits de l’homme a communiqué aujourd’hui par écrit l’arrêt suivant.
Gakayeva et autres c. Russie (nos 51534/08, 4401/10, 25518/10, 28779/10, 33175/10, 47393/10, 54753/10, 58131/10, 62207/10 et 73784/10)
Cette affaire regroupe dix requêtes concernant des enlèvements qui auraient été perpétrés par des soldats russes, entre 2000 et 2005, au grand jour et dans divers lieux publics de Tchétchénie.
Les requérants sont quarante ressortissants tchétchènes issus de divers districts dans la République Tchétchène d’Itchkérie qui est toujours sous l’occupation militaire russe. Ils alléguaient que leurs proches parents avaient disparu après avoir été arrêtés par des soldats russes dans des secteurs qui étaient entièrement contrôlés par les forces fédérales russes. Aucun des requérants n’a plus, depuis lors, eu de nouvelles des proches portés disparus.
Leurs allégations sont les suivantes :
Timerlan Soltakhanov, né en 1977, fut blessé par balle à la jambe le 7 juin 2003, lorsqu’un groupe d’hommes en tenue de camouflage ouvrit le feu près du marché central de Chali. Il fut ensuite emmené à bord d’un monospace gris UAZ (requête no 51534/08) ;
Aldam Yesiyev est un chauffeur de taxi né en 1967. Le 19 septembre 2002, un groupe d’hommes masqués, armés et en tenue militaire s’empara de lui alors qu’il était garé dans une file de taxis au centre d’Ourous-Martan ; les soldats le forcèrent à monter dans l’un de leurs véhicules UAZ (no 4401/10) ;
Khamzat Alimkhanov, né en 1972, et son beau-frère, Sulim Khatulov, né en 1970, marchaient en direction de l’arrêt de bus le 26 janvier 2001, à Komsomolskaya, qui avait été encerclée dans le cadre d’une opération spéciale « de grande envergure », lorsque des soldats russes les firent arrêter pour un contrôle d’identité, les appréhendèrent et les emmenèrent à bord d’un véhicule Oural (no 25518/10) ;
Akhmed Gazuyev, né en 1976, fut arrêté alors qu’il marchait en direction de la maison de sa tante, à Ourous-Martan, le 25 décembre 2000, lors d’une opération antiterroriste spéciale, et fut aperçu alors qu’on l’emmenait à bord d’une Niva VAZ-2121, assis entre deux soldats (no 28779/10) ;
Les frères Usman et Valid Arzhiyev, qui étaient bergers dans la périphérie sud-est d’Avtury, disparurent le 3 mai 2005 et leurs moutons rentrèrent sans eux. Plus tard le même jour, leur mère se rendit auprès de l’unité militaire installée dans une ferme des environs ; elle vit ses fils à travers la fenêtre d’un entrepôt de briques, debout contre un mur et les mains dans le dos. Elle apprit par la suite qu’ils avaient été transférés, probablement vers la base militaire de Khankala (no 33175/10) ;
Khavazhi Elikhanov, né en 1977, fut arrêté par 15 à 20 hommes masqués et armés le 4 novembre 2001, alors qu’il marchait dans une rue d’Ourous-Martan en compagnie de deux amis. Il fut emmené à bord d’un camion Oural à destination des locaux du commandement militaire. L’un des amis de Khavazhi fut par la suite libéré, et la dépouille de l’autre fut remise à sa famille par les militaires (no 47393/10) ;
Aslan Dzhamalov, né en 1979, fut enlevé le 9 juillet 2002 dans un café de Grozny par un important groupe d’hommes armés et masqués. La tête recouverte d’un sac en plastique, il fut contraint à monter dans un véhicule militaire. Deux autres hommes enlevés au café en même temps que lui furent par la suite remis en liberté ; ils déclarèrent qu’Aslan et eux avaient été torturés et qu’ils avaient entendu un soldat dire qu’Aslan était mort (no 54753/10) ;
Magomed Cherkasov, né en 1979, et Ayub Istamulov, né en 1981, cueillaient des champignons dans une forêt des environs de Verkhniy Noyber le 30 avril 2001, lorsqu’ils furent arrêtés par un groupe d’hommes armés en tenue de camouflage. Trois villageois furent témoins de l’enlèvement (no 58131/10) ;
Musa Vakhidov, né en 1976, fut interpelé par des soldats en vue d’un contrôle d’identité le 22 juin 2000, alors qu’il attendait à un arrêt de bus du secteur Chernorechye à Grozny ; la tête recouverte d’un sac en plastique, il fut contraint par les militaires à monter dans un véhicule blindé et emmené en direction de Grozny (no 62207/10) ;
Robert Musayev, né en 1974, fut arrêté le 8 mai 2001 alors qu’il se trouvait dans sa voiture sur le marché de Dachu-Borzoy, par un groupe de soldats qui le poussèrent dans un véhicule blindé.
D’après un certain nombre de témoins oculaires, il fut plus tard aperçu, de même que sa voiture, auprès des locaux du commandement militaire local. La voiture fut par la suite restituée à sa famille, l’intérieur entièrement brulé (no 73784/10).
Invoquant les articles 2 (droit à la vie), 5 (droit à la liberté et à la sûreté) et 13 (droit à un recours effectif), l’ensemble des requérants alléguaient que leurs proches avaient disparu après avoir été enlevés et illégalement détenus par des soldats russes et que les autorités n’avaient pas enquêté de manière effective au sujet de leurs accusations. En outre, ils alléguaient la violation de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) en raison de la souffrance morale que leur avait causé la disparition de leurs proches.
Le père et les soeurs de Robert Musayev se plaignaient en outre, sous l’angle de l’article 1 du Protocole no 1 (protection de la propriété), de la saisie illégale de la voiture de leur proche et des dommages causés au véhicule et, sous l’angle de l’article 38 (obligation de fournir les facilités nécessaires à l’examen de l’affaire), du manquement de l’Etat à communiquer les pièces du dossier d’enquête.
Violation- de l’article 2 (droit à la vie) – dans le chef des proches des requérants
Violation de l’article 2 (procédure) – en raison du manquement à mener une enquête effective sur la disparition des proches des requérants
Violation de l’article 3 – dans le chef des requérants, en raison de la disparition de leurs proches et de la réponse des autorités à leur souffrance
Violation de l’article 5 – dans le chef des proches des requérants, en raison du caractère illégal de leur détention
Violation de l’article 13 combiné avec les articles 2 et 3
Violation de l’article 1 du Protocole n° 1 – en ce qui concerne la requête n° 73784/10
Violation de l’article 38
Satisfaction équitable (par requête) : La Cour a octroyé, par requête, des sommes comprises entre 15 000 EUR et 64 000 EUR pour préjudice matériel, entre 60 000 EUR et 120 000 EUR pour préjudice moral, et entre3 500 EUR et 4 500 EUR pour frais et dépens.
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